« The Brutalist » : Quand le Cinéma Sublime l’Architecture Brutaliste et son Héritage

Le film The Brutalist (2024) de Brady Corbet explore l’architecture brutaliste à travers le parcours fictif de László Toth, un architecte visionnaire d’origine hongroise, survivant de la Shoah, qui émigre aux États-Unis après la guerre (Le Monde, 2024). Interprété par Adrien Brody, László tente de rebâtir sa vie et sa carrière en Amérique, porté par ses idéaux modernistes mais confronté aux réalités du Nouveau Monde.

Le titre The Brutalist fait référence au brutalisme, un style architectural né au milieu du XXe siècle, célèbre pour ses constructions en béton brut, massives et épurées. Le terme « brutalisme » dérive du « béton brut » cher à Le Corbusier, évoquant la vérité des matériaux plutôt qu’une brutalité violente (Wikipedia). Ce courant, populaire entre les années 1950 et 1970, prônait une architecture sincère et fonctionnelle. The Brutalist s’inspire de cette philosophie pour tisser son récit, mêlant l’histoire intime de László aux grands enjeux de l’architecture d’après-guerre. Il mêle ainsi l’histoire intime de son protagoniste aux grands enjeux de l’architecture d’après-guerre, offrant un contexte riche qui parlera tant aux architectes, urbanistes et autres acteurs du bâtiment et de la ville passionnés par l’histoire de leur discipline.

Un groupe de six personnes vêtues de tenues élégantes des années 1950 participe à une cérémonie de pose de première pierre sur une colline verdoyante. Un homme en costume sombre et chapeau creuse avec une pelle, tandis qu’une femme en fauteuil roulant et d’autres convives sourient. L’arrière-plan révèle une campagne vallonnée sous un ciel légèrement nuageux.
Image © The Brutalist - Universal

Brady Corbet, réalisateur américain de 36 ans, signe ici son troisième long-métrage avec une ambition démesurée (Le Monde, 2024). Tourné en VistaVision, le film met en valeur la monumentalité des espaces et bâtiments, rendant l’architecture vivante à l’écran. Dans The Brutalist, l’architecture n’est pas qu’un décor : c’est un véritable personnage, le miroir des rêves et des tourments du héros.

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Le Brutalisme au Cinéma : exploration architecturale et esthétiques du film

The Brutalist imprègne l’écran de l’esthétique brutaliste dès ses premières scènes. László Toth, fraîchement arrivé en Pennsylvanie dans les années 1950, porte en lui l’héritage du Bauhaus et du modernisme européen. Ses croquis et maquettes tranchent avec l’architecture américaine d’après-guerre, opulente et chargée d’ornements. Le film joue habilement de ce contraste : les visions brutalistes de László – aux lignes géométriques pures, aux façades nues en béton – détonnent face aux gratte-ciel décoratifs et aux banlieues pavillonnaires des États-Unis (Wallpaper, 2024).

Une équipe de tournage, habillée chaudement, travaille en extérieur sur un plateau de The Brutalist. Au centre, un réalisateur souriant consulte un écran de contrôle, entouré de techniciens et d’une cadreuse équipée d’un rig de stabilisation. L’arrière-plan montre un paysage rural sous un ciel couvert.
L’équipe du film The Brutalist en plein tournage, capturant avec précision l’esthétique et l’atmosphère unique de cette fresque architecturale et humaine.
Visuellement, Corbet oppose la sobriété utopique du style brutaliste à l’exubérance du paysage américain de l’époque, soulignant l’incompréhension mutuelle entre l’architecte immigré et son pays d’accueil. Sur le plan narratif, l’architecture devient le théâtre des tensions dramatiques. Repéré par un riche mécène, Harrison Lee Van Buren Sr (Guy Pearce), László se voit confier la réalisation d’un mystérieux projet monumental – un complexe appelé « l’Institut ». Ce chantier gigantesque prend une dimension allégorique : l’édifice central que László doit ériger symbolise autant son génie créatif que les compromissions qu’il est contraint d’accepter.
Trois hommes se font face dans un paysage industriel poussiéreux, entourés de monticules de charbon. L’un d’eux, en manteau long et chapeau, tourne le dos à la caméra, tandis qu’un autre, en tenue de travail, est juché sur un tas de charbon, tenant un marteau. En arrière-plan, un immense bâtiment brutaliste aux allures de silo domine la scène, portant des lettres partiellement visibles sur son toit.
Image © The Brutalist - Universal

La direction artistique du film a conçu l’Institut comme un lieu chargé de sens, « une usine-crématorium déguisée en église » selon la chef décoratrice Judy Becker (Filmmakers Academy, 2024). En filmant l’Institut avec des angles majestueux et une lumière sculpturale, Corbet confère à l’architecture une aura quasi mystique. Chaque volée d’escaliers en béton, chaque colonne massive y raconte en creux l’histoire intérieure de László : son idéal d’un nouveau monde se heurte aux ombres du XXe siècle.

Mon Expérience Personnelle avec The Brutalist

Le film The Brutalist m’a profondément marqué, provoquant un double choc. Tout d’abord, le choc esthétique : le procédé VistaVision utilisé par le réalisateur confère à l’image une patine incroyable, me laissant souvent perplexe quant à savoir si je regardais un film d’époque ou une œuvre contemporaine. La photographie de ce long métrage est tout simplement sublime, sublimant l’ambiance et les émotions véhiculées à l’écran. Avec plus de trois heures de visionnage, The Brutalist se distingue par une réalisation qui semble condensée des meilleures idées cinématographiques de ces dernières années. Par exemple, certains plans extérieurs de bâtiments rappellent la filmographie de Wes Anderson, avec des compositions frontales, verticales, symétriques et imposantes.

Le second choc fut de réaliser que le brutalisme, un sujet jusqu’alors relativement confidentiel, pourrait bien connaître un renouveau dans la conscience collective. Malgré son sujet abrupt, le film a été largement diffusé, rencontrant un succès d’estime tant auprès du public qu’en salle, et a récemment été primé aux Oscars, notamment pour le jeu d’acteur d’Adrien Brody et sa qualité photographique. En tant qu’admirateur de longue date du brutalisme, je ne peux qu’être ravi de voir ce style architectural sortir des oubliettes.

Ce regain d’intérêt pour le brutalisme soulève une question : sommes-nous à la veille d’un changement des mentalités ? Longtemps rejeté pour son aspect brutal, le brutalisme commence à réapparaître sous une forme de néo-brutalisme dans certaines réalisations architecturales récentes. Cependant, il est crucial de reconnaître que, bien que fascinant sur les plans esthétique et philosophique, le brutalisme pur pose des défis environnementaux majeurs, notamment en termes d’impact écologique du béton et d’isolation thermique des bâtiments.

L’Architecture Brutaliste et son Héritage : ambition, déclin et résurgence

Né dans le prolongement du mouvement moderne, le brutalisme a marqué l’histoire de l’architecture par son ambition radicale. Popularisé au Royaume-Uni dans les années 1950 par des architectes comme Alison et Peter Smithson, puis adopté à travers le monde, le style brutaliste connaît son apogée des années 1950 aux années 1970 (Wikipedia). Ses principes : célébrer la vérité des matériaux, la fonctionnalité sans ornements, et souvent mettre l’architecture au service du bien public. On le retrouve dans de grands ensembles de logements sociaux, des universités, des mairies, des églises modernistes – autant de programmes où l’architecte avait carte blanche pour expérimenter de nouvelles formes dépouillées et imposantes.

L’utilisation du béton brut (apparent, non revêtu) en est la signature la plus célèbre, donnant aux bâtiments une présence massive, presque sculpturale. Les ambitions des pionniers du brutalisme étaient souvent empreintes d’idéalisme. Ils imaginaient des villes réinventées, des logements collectifs modulaires pouvant offrir une vie meilleure aux classes moyennes et populaires (on pense à l’Unité d’Habitation de Marseille de Le Corbusier, à Habitat 67 de Moshe Safdie à Montréal, etc.). Cependant, l’accueil du public et des critiques a été contrasté. Si certains ont loué la puissance d’expression et l’audace formelle du brutalisme, d’autres lui ont reproché sa froideur et son inhumanité.

Futurs Antérieurs 1
Habitat 67. Montreal, Canada Architecte : Moshe Safdie

Dans les décennies suivantes, beaucoup de bâtiments brutalistes ont souffert d’un manque d’entretien, et leur aspect austère a valu au style une impopularité croissante à la fin du XXe siècle. Des projets utopiques sont devenus, dans l’imaginaire collectif, des symboles de dystopie urbaine. Ainsi, à partir des années 1980, le brutalisme est tombé en disgrâce et nombre de ces édifices ont été démolis ou menacés.

Pourtant, les valeurs portées par le brutalisme – sobriété, modularité, authenticité matérielle – connaissent aujourd’hui une certaine résurgence. De jeunes architectes contemporains s’inspirent à nouveau de ce courant, via le néo-brutalisme, revisitant le béton apparent, les formes géométriques franches, mais en y intégrant les préoccupations actuelles (écologie, nouvelles technologies). Un mouvement de sauvegarde patrimoniale s’est également développé : de plus en plus de voix s’élèvent pour préserver les chefs-d’œuvre brutalistes existants, les considérant comme des témoins essentiels de l’histoire architecturale récente.

Pont avec mon Travail de Photographe : Brutalisme et photographie d’architecture

Si The Brutalist magnifie l’architecture brutaliste par le prisme du cinéma, le même exercice peut être mené à travers la photographie d’architecture. C’est précisément ce que je tente d’accomplir dans mes projets artistiques récents. J’ai notamment réalisé une série intitulée « Utopies Perdues » dédiée aux grands ensembles en béton d’Île-de-France. Mon objectif : révéler la beauté cachée de ces structures brutalistes trop souvent mal-aimées. À l’instar du film de Corbet qui redonne une âme aux bâtiments à l’écran, je souhaite sublimer les barres d’immeubles et tours de béton à travers l’objectif de mon appareil. Je joue sur la composition, la lumière naturelle et les perspectives, pour extraire de ces édifices leur poésie innée.

Dans mes clichés, les bâtiments brutalistes de banlieue parisienne se transforment en œuvres d’art abstraites. Par exemple, une façade aux balcons alvéolés ou aux fenêtres répétitives devient un motif graphique rythmé, presque hypnotique. Un parking en béton se mue en une succession de plans et de volumes jouant avec la lumière et l’ombre. Ce travail photographique a pour but de renouveler notre perception : ce qui pouvait sembler gris et monotone dévoile soudain des nuances, des lignes de force, une symétrie ou au contraire des irrégularités fascinantes. S’établit ainsi un dialogue entre architecture et image, similaire à celui qu’on observe dans The Brutalist. Dans le film, la caméra fait office d’œil neuf sur l’édifice de László, lui conférant du sens et de l’émotion ; de même, la photographie architecturale isole des détails, fige un angle de vue, pour mieux raconter l’histoire d’un bâtiment.

Le pont entre The Brutalist et mon travail est aussi thématique. Tous deux interrogent la manière dont on regarde ces architectures du passé. Sont-elles de simples vestiges d’utopies déchues, bonnes à être oubliées ou détruites ? Ou recèlent-elles une valeur esthétique et culturelle qu’il faut redécouvrir ? Dans « Utopies Perdues », je prends clairement parti : celui de montrer qu’avec un regard différent, ces blocs de béton peuvent émouvoir et inspirer. The Brutalist, de son côté, suggère que derrière chaque construction se cache une vision, une intention – fut-elle dévoyée par la suite. Le film invite à poser un nouveau regard sur l’architecture brutaliste : celui de l’empathie pour ses créateurs et de la curiosité pour sa signification. En cela, architectes, photographes et passionnés d’urbanisme se rejoignent : revisiter le brutalisme aujourd’hui, c’est redécouvrir un pan méconnu de notre patrimoine, et peut-être y puiser des leçons pour bâtir le futur.

L'importance du brutalisme aujourd’hui

À travers The Brutalist et les exemples évoqués, une conclusion s’impose : l’architecture brutaliste continue de fasciner et d’influencer la création, bien au-delà de son époque d’origine. Qu’il s’agisse de films, de photographies ou de nouvelles constructions s’en inspirant, le brutalisme reste un sujet d’actualité dans le débat architectural. Son importance aujourd’hui tient d’abord à son rôle de témoin historique : ces bâtiments en béton brut racontent l’utopie et les contradictions de la seconde moitié du XXe siècle. Les préserver ou, à défaut, les documenter, c’est conserver une partie de notre mémoire collective en matière d’urbanisme et de design.

Pour les architectes contemporains, revisiter le brutalisme offre l’occasion de réfléchir aux notions de fonctionnalité, de vérité des matériaux et d’engagement social de l’architecture. Dans un monde en quête de durabilité et d’authenticité, les principes brutalistes (simplicité, durabilité du béton, modularité) résonnent d’une nouvelle façon. Bien sûr, il s’agit aussi d’apprendre des erreurs du passé : humaniser ces grands ensembles, mieux les intégrer dans le tissu urbain et les adapter aux besoins réels des habitants est une leçon essentielle.

Du côté des promoteurs immobiliers et des décideurs du bâtiment, l’héritage brutaliste pose un dilemme mais aussi une inspiration. Faut-il démolir ces immenses barres et tours jugées obsolètes, au risque de perdre un patrimoine culturel unique ? Ou peut-on les réhabiliter, les requalifier, comme on l’a fait par exemple avec le bâtiment du 3527 Rue de la Loi à Bruxelles (ex-tours Brutalistes rénovées en logements modernes) ou avec certaines universités brutalistes mises aux normes écologiques ? De nombreux exemples montrent qu’avec de l’audace, on peut transformer l’image du béton : végétalisation, colorisation, aménagements conviviaux… Autant de pistes pour donner une seconde vie à ces structures massives sans renier leur identité architecturale.

En parallèle, la photographie d’architecture et le cinéma contribuent à changer le regard du public. En sensibilisant à la beauté singulière du brutalisme, ils encouragent sa revalorisation.

Projet "City in the Air" the Arata Isozaki

Pour conclure, le brutalisme n’est plus seulement une page d’histoire à étudier dans les manuels d’architecture, c’est un vivier d’inspiration pour la création visuelle et bâtie d’aujourd’hui. The Brutalist, en tissant le destin d’un architecte dans la trame de ce mouvement, invite à redécouvrir l’âme qui habite le béton. Il rappelle que derrière chaque bâtiment se cache une vision du monde – avec ses espoirs et ses travers. Dans un contexte actuel où l’on repense nos modes de construction (face aux défis climatiques, au besoin de logements, à la quête de sens esthétique), revisiter des courants comme le brutalisme peut s’avérer aussi instructif qu’inspirant. Comme une grande structure en béton brut dressée vers le ciel, l’héritage brutaliste projette encore son ombre et sa lumière sur notre présent. Aux architectes, aux promoteurs et à tous les acteurs du bâtiment d’en tirer le meilleur, pour construire un futur qui saura combiner la force du passé et les rêves de demain.

Vous avez parcouru mon analyse et mes réflexions sur le film The Brutalist et le brutalisme en architecture. Si ce sujet vous passionne autant que moi ou si vous souhaitez discuter de projets photographiques pour vos réalisations architecturales, n’hésitez pas à me contacter. Que ce soit pour échanger des idées, collaborer sur un projet ou simplement en savoir plus sur mon travail, je serais ravi de vous lire.

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