Géobiologie en Architecture : Distinguer Entre Science et Marketing du Bien-Être

La géobiologie émerge de plus en plus dans les discussions architecturales, souvent présentée comme une méthode pour améliorer le bien-être et l’harmonie dans les espaces de vie et de travail. Mais que se cache-t-il réellement derrière ce terme ? Est-ce une discipline scientifique rigoureuse ou un concept spirituel utilisé à des fins marketing ? Cet article examine la géobiologie en lien avec des pratiques traditionnelles comme le feng shui et le vashtu shastra, tout en soulignant l’importance de distinguer ce qui est prouvé scientifiquement de ce qui relève de la recherche de bien-être.

Une précision importante : en tant que scientifique de formation, avec une expérience en ingénierie et une carrière dans l’industrie, j’ai du mal à adhérer aux prétentions de la géobiologie, qui ne s’appuie sur aucun fondement empirique solide. Cependant, cet article n’a pas pour objectif de discréditer l’aspiration légitime de chacun au bien-être, en particulier au bien-être dans l’architecture. À travers l’engouement pour cette discipline, je perçois avant tout un intérêt croissant pour une architecture durable, vivable et respectueuse de l’environnement. C’est cette appétence que je souhaite souligner, car elle reflète des valeurs essentielles qui méritent d’être entendues et développées !

Des Racines Anciennes : Le Feng Shui et le Vashtu Shastra

Bien que la géobiologie soit souvent présentée comme un concept moderne, ses racines remontent à des pratiques traditionnelles qui visaient à optimiser les espaces en fonction des forces naturelles et énergétiques. En Chine, le feng shui repose sur l’agencement des pièces pour canaliser les flux d’énergie (le « chi ») de manière harmonieuse. De même, en Inde, le vashtu shastra propose des principes de construction qui alignent les bâtiments avec les éléments naturels pour favoriser la prospérité et la santé.

Monastère Bouddhiste Zen Kanshoji - Photographie par Pierre CHATEL-INNOCENTI
Monastère Bouddhiste Zen Kanshoji – Photographie par Pierre CHATEL-INNOCENTI

Ces pratiques montrent que les préoccupations relatives à l’harmonie des espaces et au bien-être des occupants ont toujours existé. Cependant, elles se basaient sur des systèmes de croyance et une compréhension du monde qui diffèrent des approches scientifiques modernes.

Une Définition de la Géobiologie

La géobiologie se présente comme une discipline cherchant à étudier les interactions entre les lieux, les énergies naturelles et le bien-être des occupants d’un bâtiment. Elle repose sur l’idée que certains phénomènes invisibles, comme les réseaux telluriques (réseaux Hartmann et Curry), les courants d’eau souterrains, ou les champs électromagnétiques naturels, influencent l’énergie des espaces et, par conséquent, la santé et le bien-être des individus.

D’après les adeptes de la géobiologie, il serait possible de détecter et de corriger ces influences grâce à des pratiques comme l’usage de baguettes de sourcier, la mise en place de matériaux spécifiques, ou le réagencement des pièces en fonction des flux énergétiques identifiés. Ces concepts se rapprochent des traditions anciennes telles que le feng shui en Chine ou le vashtu shastra en Inde, où l’orientation et l’aménagement des espaces visent à canaliser les énergies positives.

Cependant, il est important de préciser qu’aucun de ces concepts n’est fondé sur des bases scientifiques solides. Les mesures et techniques utilisées en géobiologie ne reposent sur aucune validation empirique reconnue par la communauté scientifique. En conséquence, il convient de rester prudent face à ces approches qui, bien que séduisantes, ne peuvent être prouvées ni vérifiées de manière rigoureuse.

Géobiologie et Architecture Durable : Une Association Naturelle ?

Dans le contexte actuel de l’architecture durable, certains éléments de la géobiologie peuvent sembler en phase avec les préoccupations des architectes. Par exemple, l’optimisation de l’orientation des bâtiments pour maximiser la lumière naturelle, ou encore le choix de matériaux sains et écologiques, s’inscrit dans une logique de durabilité. Ces pratiques, qui sont parfois associées à la géobiologie, ont des fondements scientifiques et contribuent à améliorer le confort des occupants.

Cependant, d’autres aspects de la géobiologie, tels que l’identification de « points d’énergie » ou la mesure d’influences telluriques, reposent sur des approches qui n’ont pas été prouvées scientifiquement. Il est donc crucial de différencier ce qui relève d’une démarche basée sur des données concrètes de ce qui s’apparente davantage à une croyance spirituelle ou ésotérique.

Science et Spiritualité : Une Confusion Entretenue

Si la géobiologie est parfois utilisée pour justifier des choix architecturaux ou de conception, il est essentiel de reconnaître la limite entre une approche scientifique et une démarche spirituelle. Ces deux perspectives ne s’excluent pas, mais elles ne doivent pas être confondues. Une approche spirituelle peut enrichir un projet, en ajoutant une dimension personnelle ou culturelle qui touche les occupants d’un bâtiment. Cependant, il est important que cette dimension soit présentée comme telle, et non comme une « science » pour séduire des clients en quête de bien-être.

Cette confusion est parfois entretenue, volontairement ou non, par certains praticiens ou entreprises qui utilisent le terme « géobiologie » comme argument marketing. En laissant entendre que leur approche est scientifique, ils profitent de l’engouement pour les solutions de bien-être et d’architecture durable, tout en jouant sur l’incertitude du public quant aux véritables fondements de la discipline.

Le Rôle de l’Architecte : S’appuyer sur des Données Concrètes

Pour les architectes, il est crucial de faire la part des choses et de s’appuyer sur des pratiques validées par des données scientifiques lorsqu’il s’agit de conception durable ou de bien-être. La lumière naturelle, la qualité de l’air, l’acoustique, et l’usage de matériaux sains sont des éléments mesurables et optimisables avec des outils fiables. Ces approches garantissent des résultats concrets et permettent de justifier des choix auprès des clients en se basant sur des faits.

Conclusion : Pour Une Approche Équilibrée et Transparente

Si la géobiologie, le feng shui, ou le vashtu shastra peuvent enrichir un projet en ajoutant une dimension culturelle ou symbolique, il est essentiel de garder une approche équilibrée. Les architectes doivent être transparents sur la nature de ces influences, en expliquant qu’il s’agit de pratiques complémentaires mais distinctes d’une approche purement scientifique. Ainsi, ils peuvent offrir aux clients une conception qui allie bien-être, durabilité et authenticité, tout en évitant de tomber dans les pièges d’un marketing de bien-être mal fondé.

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    Pour en savoir plus

    Pour approfondir les questions de bien-être en architecture et comprendre les enjeux liés aux environnements bâtis, voici une sélection de ressources et articles scientifiques qui explorent ces thématiques :

    1. « Buildings, Beauty, and the Brain: A Neuroscience of Architectural Experience » – Cet article explore comment l’architecture influence notre bien-être émotionnel et cognitif à travers le prisme de la neuroarchitecture. Journal of Cognitive Neuroscience – MIT Press Direct.
    2. « Architecture and Health: How Spaces Can Impact Our Emotional Well-Being » – Une analyse de l’impact des environnements construits sur la santé mentale et le bien-être des occupants, avec un accent sur la psychologie de l’espace – ArchDaily
    3. « Neuroarchitecture: how the built environment influences the human brain » – La neuroarchitecture, une discipline qui étudie l’impact de l’environnement sur le cerveau et le comportement humain, vise à créer des espaces intérieurs plus sains et propices au bien-être, à la productivité et aux performances cognitives, en s’appuyant sur une revue de la littérature pour démontrer comment l’architecture influence nos émotions, décisions et états physiologiques – ResearchGate.
    4. « Neuroarchitecture and the Potential of the Built Environment for Brain Health and Creativity » – Cet article examine les façons dont l’architecture enrichie peut stimuler la créativité et la santé cérébrale, en utilisant des approches basées sur des données scientifiques – ArchDaily.
    5. « Exploring Biophilic Design and Its Implications for Mental Health » – Une étude sur le design biophilique et ses effets sur la santé mentale, intégrant des éléments naturels pour améliorer le bien-être des occupants – SpringerLink.
    6. « Biophilia and Healing Environments: Principles for Designing the Built World » – Une ressource qui explore comment le design biophilique peut créer des environnements sains et optimisés pour le bien-être humain. Terrapin Bright Green.
    7. « Attention Restoration Theory: A systematic review of the attention restoration potential of exposure to natural environments«  – Un examen systématique des effets restaurateurs des environnements naturels sur la concentration et la santé mentale – Taylor & Francis Online.
    8. « The Importance of Environmental Psychology in Design of Educational Spaces » – Cet article se concentre sur l’influence de la psychologie environnementale dans la conception d’espaces favorisant le bien-être et la productivité – ResearchGate.
    9. « Healthy Cities and the city planning process » – Un rapport de l’OMS sur l’impact des aménagements urbains sur la santé publique, soulignant l’importance de l’architecture durable et bien pensée – WHO Europe.